Luxation héréditaire (primaire) du cristallin

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Luxation héréditaire (primaire) du cristallin

Il s’agit d’une affection caractérisée soit par la présence de floculats vitréens en chambre antérieure avec iridodonésis ou phacodonésis, soit par un déplacement du cristallin partiel (subluxation, luxation « en place ») ou complet (luxation antérieure, luxation postérieure) lié à la rupture partielle ou complète ou/et au défaut de développement des fibres zonulaires.


Synonymes :


Dénomination Anglo-Saxonne:

Primary lens luxation (PLL), Primary lens dislocation


Etiologie et pathogénie

L’affection est bilatérale, consécutive à une dysplasie zonulaire (fibres rares, fragiles, mal orientées et mal attachées) associée à une forme anormale globoïde du cristallin dont le diamètre (une dizaine de mm, voire moins), à peine supérieur à la longueur axiale (8 ou 9 mm), est réduit. Avant la luxation, des épisodes d’hypertension oculaire peuvent être notés, suggérant pour certains auteurs des anomalies dans les voies de drainage de l’humeur aqueuse. La luxation en chambre antérieure gêne le passage de l’humeur aqueuse par la pupille et son drainage par la fente ciliaire, d’où l’accès de glaucome aigu lorsque son circuit de circulation est très affecté. La présence de vitré adhérent à la  capsule postérieure du cristallin diminue d’autant les capacités de drainage. Le contact du cristallin luxé antérieurement avec l’endothélium cornéen lèse les cellules de celui-ci et l’œdème stromal local induit est aggravé, devenant plus diffus et dense, au fur et à mesure que la pression intraoculaire (PIO) s’élève. 


Epidémiologie

Race(s) concernée(s) :

La luxation primaire du cristallin a été décrite chez le Border Collie, le Bull Terrier miniature, le Chien chinois à crête, le Jack Russell Terrier, le Lancashire Heeler, le Shar Pei, le Terrier de chasse allemand, le Terrier tibétain, ainsi que chez beaucoup de Terriers. Sa prédisposition raciale est avérée chez l’Épagneul breton et le Petit basset griffon vendéen, où elle peut être soit primaire, soit plus rarement selon notre expérience secondaire liée à un glaucome primaire. Elle est également connue dans d’autres races. Les races concernées sont présentées ci-dessous avec le mode de transmission de l’affection (* : races pour lesquelles le test ADAMTS 17 peut être utilisé)

Age d’apparition des symptômes :

Les sujets atteints de luxation cristallinienne primaire responsable de glaucome sont des adultes dont l’âge est très majoritairement compris entre 3 et 6 ans chez le Chien. L’affection peut survenir chez le chiot (Border Collie notamment dès l’âge de 2 mois).

Sexe :

La luxation primaire du cristallin n’est pas dépendante du sexe.


Déterminisme héréditaire

Mode de transmission :

La luxation primaire du cristallin a été reconnue comme autosomique récessive chez le Border Collie, le Chien chinois à crête, le Jack Russell Terrier, le Shar Pei, le Terrier de chasse allemand et le Terrier tibétain. Un faible pourcentage d’hétérozygotes mutés présenterait des signes cliniques à partir de l’âge de 2 ans ; les homozygotes mutés présenteraient un risque de luxation très élevé mais pas absolu dès l’âge de 18 mois.

Locus atteint :

Une mutation causale affecte sur le CFA3 au locus PLL de 665 kb le gène ADAMTS 17 ( A disintegrin-like And Metallopeptidase with ThromboSpondin type 1 motif 17) impliqué dans la synthèse de protéines zonulaires et concernait au départ quatre races : le Jack Russell Terrier, le Bull Terrier miniature, le Lancashire Heeler, et le Chien chinois à crête. Elle semble impliquée de la même manière chez le Terrier de chasse allemand, mais pas de façon exclusive selon nos observations. D'autres races de Terriers sont concernées (cf. Races concernées).

Mutation :



Expression clinique

Symptômes

Les signes fonctionnels (douleur, larmoiement, photophobie) sont surtout marqués lors d’affection hypertensive et plus nets en phase aiguë ou subaiguë. Le comportement visuel est modifié ou non selon la gravité de l’affection, et le volume du globe oculaire (buphtalmie). L’examen du segment antérieur, notamment biomicroscopique, met en évidence les modifications de position du cristallin, ainsi que les modifications associées de la chambre antérieure, de l’iris et de la pupille. Si le glaucome aigu induit est majeur (pression intraoculaire [PIO> 50 mm Hg), un œdème cornéen stromal dense et diffus peut être présent, associé à une congestion des veines épisclérales ; si l’augmentation de PIO est plus faible, seule une opalescence cornéenne stromale focale centrale ou paracentrale ventrale est observée sur la surface de contact entre la capsule antérieure du cristallin et l’endothélium cornéen (photo1).  Le cristallin est facilement identifié en chambre antérieure, notamment par l’examen temporal de profil, qui permet d’apprécier aussi la forme en cuvette de l’iris. La pupille est le plus souvent de taille subnormale, parfois dilatée, hyporéflexique ou aréflexique à la stimulation lumineuse. La luxation du cristallin « à cheval » sur la pupille décentre cette dernière, avec une augmentation de PIO et une inflammation aiguë souvent majeures (photo2).  Lors de subluxation, un croissant aphaque est remarqué : dorsal lors de luxation primaire (photo3), plutôt ventral (temporal ou nasal) lors de rupture sectorielle zonulaire post-glaucomateuse. La profondeur de chambre antérieure varie selon la position du cristallin « luxé en place », dont la circonférence est souvent visible(photo4). Lors d’examen initial tardif en luxation postérieure, les propriétaires signalent fréquemment qu’ils ont observé, après au moins un épisode de douleur, rougeur et opacité cornéenne, une rémission des symptômes (photo5).

Les éléments suivants nous paraissent importants :

- la luxation antérieure du cristallin est le motif de consultation le plus fréquent, avec décentrage ventral de la lentille et œdème de contact endothélial (photo 6);

- l’iridodonésis ou le phacodonésis sont des signes à rechercher pour identifier une subluxation ou une luxation en place ; ils s’accompagnent de floculats vitréens grisâtres présents en chambre antérieure au bord pupillaire ventral lors de luxation primaire ;

- l’affection est rarement bilatérale d’emblée, mais en principe différée d’un œil à l’autre (quelques semaines à quelques mois) chez des sujets adultes ou jeunes adultes, parfois chez de tous jeunes sujets qui peuvent présenter des anomalies de structure ou de forme du cristallin (Border Collie, photo7) ;

- l’élévation de la PIO s’accompagne de signes de glaucome surtout remarquables dans la phase aiguë ou subaiguë ;

- lorsque la gonioscopie est possible, elle montre sur l’œil atteint:

. soit un ligament pectiné normal ;

. soit un ligament pectiné de hauteur réduite, ou  masqué par la racine de l’iris, lors de fermeture de la fente ciliaire associée à l’augmentation de PIO en cas de luxation primaire ; en cas de luxation secondaire à un glaucome primaire, on met systématiquement sur l’œil adelphe l’anomalie du ligament pectiné.

 

 

Evolution :

Elle se fait vers le glaucome et la cécité si le traitement n’est pas rapidement mis en place.

Pronostic :

Il est toujours réservé, même si le traitement chirurgical est mis rapidement en place.

Traitement :

Le traitement médical d’urgence abaisse la PIO, combat l’inflammation et la douleur. Le traitement est chirurgical pour la luxation antérieure : phacoexérèse et vitrectomie à ciel ouvert (photos 8 et 9). Il est médical pour la luxation postérieure (complications quasi-constantes du traitement chirurgical sur un œil de plus souvent non voyant).

Conseil génétique : Il est recommandé de ne pas utiliser les sujets atteints en reproduction ; si un sujet porteur présente des qualités par ailleurs intéressantes dans un élevage ou tout simplement pour la race, il doit être accouplé à un sujet sain génétiquement (emploi du test génétique pour les races où il est disponible, également pour les produits de la portée).

Diagnostic

Le lecteur peut se reporter à la partie symptômes de l’expression clinique.

Si la cornée de l’œil atteint est opaque, l’échographie en mode B, associée à la biomicroscopie et à la gonioscopie sur l’œil adelphe, est une aide précieuse pour établir ou confirmer la physiopathologie de l’affection.

Ante-mortem

Imagerie :

Analyse du LCS :

Histologie :

Test génétique :

OUI, proposé par l’Animal Health Trust (AHT) et exploité sous licence par divers laboratoires ; attention : dans la forme juvénile (rare), chez le Border collie notamment, le test est sans intérêt car les chiots ne sont ni homozygotes, ni hétérozygotes mutés ADAMSTS 17.

Autre :

Post-mortem

(Absent)

Pour en savoir plus

  • Chaudieu G, Chahory S (2013) Affections oculaires héréditaires ou à prédisposition raciale chez le Chien. Éditions du Point Vétérinaire, 2013, Rueil-Malmaison.Chaudieu
  • Chaudieu G, Clerc B et coll (2002) Luxation primaire du cristallin chez le Petit basset griffon vendéen : résultats fournis par l’examen de 66 chiens, étude en microscopie électronique à balayage. Prat Méd Chir Anim Comp 37 : 495-503.
  • Chaudieu G, Molon Noblot S et coll (1993) Luxation primaire du cristallin chez l’Épagneul breton : aspects cliniques, étude étio-pathogénique. Prat Méd Chir Anim Comp 28 : 37- 47.
  • Cullen CL, Webb AA (2013) Ocular manifestations of systemic diseases, part 1: the dog. In: Veterinary Ophthalmology, 5th edition. Gelatt KN Edr, Wiley-Blackwell, Ames, 1897-1977.
  • Cullen CL, Webb AA(2013) Ocular manifestations of systemic diseases, part 2: the cat. In: Veterinary Ophthalmology, 5th edition. Gelatt KN Edr, Wiley-Blackwell, Ames, 1978-2036.
  • Curtis R (1990) Lens luxation in the dog and cat. Vet Clin North Amer, Small Animal Practice 20 : 755-72.
  • Farias FHG, Johnson GS et coll (2010) An ADAMTS17 Splice Donor Site Mutation in Dogs with Primary Lens Luxation. Invest Ophthalmol Vis Sci 5 : 4716-21.

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