C’est une anomalie héréditaire congénitale bilatérale caractérisée par un défaut de développement des structures mésodermiques, vasculaires et fibreuses des parties postérieures du globe oculaire, dont la présence et la gravité sont indépendantes de la couleur de la robe. Le terme « anomalie de l’œil du Colley » regroupe les lésions observées à l’ophtalmoscope dans différentes races par référence au Colley : Colley, Berger australien, Berger des Shetland, Border Collie…
Synonymes :
Dénomination Anglo-Saxonne:
Collie Eye Anomaly (CEA)
L’affection est génétiquement transmissible sur le mode récessif, mais le déterminisme génique n’est pas le même en fonction du type de lésion présent (dysplasie/hypoplasie choroïdienne, avec une pénétrance quasiment de 100%, et /ou colobome du nerf optique). Toutefois, le mode de transmission polygénique a aussi été proposé pour la dysplasie/hypoplasie choroïdienne. Le défaut de développement des structures mésodermiques, vasculaires et fibreuses des parties postérieures du globe oculaire se produit durant le développement embryonnaire, de même que le colobome de la tête du nerf optique résulte d’une fermeture incomplète de la fissure fœtale temporaire ventrale du pédoncule et de la cupule optiques (fissure colobomique) à la fin du premier mois de gestation. Le génotype « colobome » a une influence significative sur une diminution de taille des produits issus de parents affectés. Cela confirmerait les constatations faites par certains éleveurs, convaincus qu’il y a corrélation entre l’importance de lésions colobomateuses constatées chez les parents et les pertes de qualité (morphologique et oculaire) des produits.
Epidémiologie
Race(s) concernée(s) :
La fréquence de l’AOC chez le Colley est la même quelle que soit la couleur et la longueur du poil. L’AOC est importante dans tous les pays : 50 à 90 % de l’effectif selon les régions aux Etats Unis, 64% en Grande Bretagne, 41% aux Pays Bas, 31% en Suisse, plus de 30% en France selon les observations que nous avons pu faire. Elle serait plus rare chez le Berger des Shetland aux Etats Unis, avec un faible pourcentage de décollements rétiniens (1 à 2 % des chiens atteints). Elle aurait en revanche une prévalence forte dans cette race aux Pays Bas (50%) et au Royaume-Uni (plus de 70% des chiens examinés). Outre le Colley à poil long et à poil court , des races proches sont concernées : Berger des Shetland, Berger australien, Border Collie, Colley barbu. Le phénotype dysplasie/hypoplasie choroïdienne reconnaît le même déterminisme génétique chez le Berger américain nain, le Boykin spaniel, l’Hokkaido, le Lancashire Heeler, le Retriever de la nouvelle Écosse, le Silken Windhound, le Whippet à poil long.
Age d’apparition des symptômes :
Les deux composantes de l’AOC sont congénitales. Toutefois, les lésions discrètes d’hypoplasie choroïdienne sont masquées par la pigmentation de l’épithélium pigmentaire ou la pigmentation choroïdienne de façon certaine entre 10 et 12 semaines, souvent à partir de 8 semaines : les chiens ( « go normal » des anglo-saxons ) répondant à ces critères ne peuvent être dépistés que grâce à un examen précoce ( entre 5 et 7 semaines), qu’on devrait idéalement effectuer sur tous les chiots, le diagnostic devenant difficile ou impossible chez l’adulte (cf. photos 1 et 2).
Sexe :
L’AOC est indépendante du sexe.
Déterminisme héréditaire
Mode de transmission :
Le colobome et l’hypoplasie choroïdienne ont été considérés par Donovan comme transmis selon deux modes distincts. L’hypoplasie choroïdienne ségrège comme une affection récessive avec quasiment 100% de pénétrance. Une étude suédoise effectuée sur 8204 Colleys à poil long de 1988 à 1997 indique que la transmission de l’hypoplasie choroidienne (« dysplasie chorio-rétinienne ») est significativement différente de celle compatible avec un mode
autosomique récessif, et qu’elle est en revanche compatible avec une transmission polygénique.
Locus atteint :
Le locus primaire CEA se situe sur une région 3,9-cM du chromosome canin 37, correspondant au chromosome humain 2q35 : ces résultats suggèrent la présence d’un gène régulateur du développement dont le rôle est fondamental dans le développement embryonnaire de l’œil, et dont les implications potentielles dans d’autres anomalies de la vascularisation oculaire sont probables.
Mutation :
Il s'agit d'une délétion dans l’intron 4 du gène Non homologous end joining factor 1 (NHEJF 1).
Expression clinique
Symptômes
La lésion toujours présente est l’hypoplasie et/ou la dysplasie choroïdienne(s) temporale(s) par rapport à la papille avec (photo3) :
-absence de pigment dans l’épithélium pigmentaire rétinien et la choroïde ;
-perte du tapis ;
-réduction du nombre des vaisseaux choroïdiens (hypoplasie), dont la direction et le calibre sont irréguliers avec des anastomoses inter-vasculaires (dysplasie) ;
-sclère visible lors d’hypoplasie importante (si le fond d’œil est pigmenté en périphérie de la lésion).
Le colobome du nerf optique, résultant d’une ectasie sclérale dans la lame criblée ou en région parapapillaire, est d’importance extrêmement variable (de 0,25 à 4 diamètres papillaires sur 2 à 30 dioptries de profondeur). La position typique (à 6 heures sur la fente du pédoncule optique) n’est pas systématique (photo 4).
Les chiens affectés de lésions mineures (hypoplasie/dysplasie choroïdienne, petit colobome) n’ont pas de gêne visuelle.
La cause de cécité est sot un colobome important (photo 5), soit le décollement de rétine précoce (vers l’âge de 3 semaines), important ou complet avec déchirure de la rétine périphérique. Chez certains chiens, on observe une surélévation rétinienne sans déchirure en regard de la zone d’hypoplasie/dysplasie choroïdienne ou en périphérie de la papille, qui peut soit rétrocéder, soit évoluer vers le décollement rhegmatogène (avec déchirure) en quelques mois à quelques années (photo6). Lors de décollement important, une dégénérescence vitréenne est généralement associée. Une néo-vascularisation peut envahir le vitré, avec des vaisseaux fragiles et/ou incomplets qui saignent. Des hémorragies massives n’ayant jamais tendance à coaguler peuvent alors envahir la chambre antérieure, à partir du vitré liquéfié, de façon brutale (photo7).
Lésions : On peut proposer par ordre de gravité croissante une classification des lésions:
Grade 1 : hypoplasie/dysplasie choroïdienne (lésion mineure).
Grade 2 : hypoplasie choroïdienne et colobome du nerf optique (lésion moyenne).
Grade 3 : grade 2 et présence d’un décollement de rétine (lésion grave).
Grade 4 : grade 3 et présence d’hémorragies intra-oculaires (lésion grave).
Evolution :
Les lésions ne sont pas évolutives, sauf parfois aux grades 3 et 4 (voir symptômes) alors que la cécité est déjà de règle.
Pronostic :
Il est fonction de la gravité des lésions (voir symptômes). La cécité est de règle aux grades 3 et 4.
Traitement :
Il n’y a pas de traitement de cette affection; les décollements rétiniens du grade 3 avec vision récupérable peuvent être éventuellement traités.
Conseil génétique : Les chiens uniquement affectés de dysplasie/hypoplasie choroïdienne peuvent être conservés en reproduction, mariés à des chiens sains. Ce type de selection préconisée par le club des amis du Colley a permis d'obtenir une population où les grades 2 ont nettement diminué en fréquence, où les grades 3 sont devenus rarissime.
Diagnostic
- Ophtalmoscopie directe et indirecte : Idéalement effectué entre 6 et 8 semaines, le diagnostic est avant tout clinique.
- Imagerie : Elle peut apporter des précisions sur la confirmation de la présence de lésions : angiographie fluorescéinique pour une hypoplasie discrète de la choroïde, échographie pour confirmer un colobome papillaire ou un décollement rétinien si les milieux transparents sont opacifiés (dégénérescence et/ou hémorragie vitréennes.
Ante-mortem
Imagerie :
Analyse du LCS :
Histologie :
Test génétique :
OUI pour la composante hypoplasie/dysplasie choroïdienne.
Autre :
Post-mortem
Histologie :
possible, sans intérêt spécifique
Pour en savoir plus
- Lowe JR, Kukehova AV, Kirkness EF, Lanclois MC et col. Linkage mapping of the primary disease locus for Collie eye anomaly. Genomics. 2003; 82: 86-95.
- Chaudieu G, Chahory S. Affections oculaires héréditaires ou à prédisposition raciale chez le chien. Rueil-Malmaison : Wolters-Kluwer ; 2013.
- Chaudieu G. L’anomalie de l’oeil du Colley et l’oeil du chien à robe Merle: similarités et différences. Prat Méd Chir Anim Comp. 2008 ; 43 : 109-116.
- Yakely WL, Wyman M, Donivan EF, Fechheimer NS. Genetic transmission of an ocular fundus anomaly in Collies. J Am Vet Med Assoc. 1968; 152: 457-461.
- Wallin-Hakanson B, Waalin-Hakanson N, Hedhammar N. Collie eye anomaly in the rough Collie in Sweden: genetic transmission and influence on offspring vitality. J Small Anim Pract. 2000; 41 : 254-258.
- Mathieu AS. Prévalence de l’anomalie de l’œil du colley chez le colley à poil long. Étude de 336 examens réalisés de 1992 à 2004. Thèse Doct vét. Université Claude Bernard Lyon 1 ; 2004.